Nous reproduisons ci-dessous des extraits de l'article
de Théodore Massiac publié dans La Revue Théâtrale, N° 38 de Juillet 1905.



« Eh ! bien, oui, en faisant jouer sa Thécla pour la première fois, à la Fête de Neuilly, dans la « baraque » de la famille Legois, M. Jean Lorrain a fait quelque chose de vraiment original. Il a tout bonnement ressuscité ces théâtres de la « Foire » qui eurent une si grande vogue au dix-septième siècle et surtout au dix-huitième siècle, ces théâtres où naquit notre opéra-comique, si différent de l'opéra buffa italien, avec lequel on affecte parfois si injustement de le confondre. […] »

« …les hommes s'habillaient derrière le théâtre, dans une baraque vide, cachés par des paravents, et poussant par intervalle des cris extraordinaires. Et quand ils se montrent, ce sont des étonnements, des « ah ! » de surprise ! ... Une des mondaines ne peut croire qu'Emile René (le beau lutteur) a réellement un maillot, et lorsqu'il s'agit de simuler une parade à la porte, Polaire hésite, troublée, craignant que cela ne nuise à sa jeune gloire. On a beau la raisonner, elle ne se rend que pour ne pas faire rater l'épreuve du photographe, car il y a un photographe, naturellement, et pas des moindres, puisque c'est le nôtre. […] »

« Josépha, c'est Mlle Doria, qui est bien la très chic horizontale du rôle, en mirifique toilette, en chapeau mirobolant, et qui ne suppose pas une minute que son « béguin » puisse effaroucher qui que ce soit. Et Thécla, c'est Polaire, cet être tout de muscles et de nerfs, la Polaire fébrile, ardente, aux détentes soudaines, aux trépignements terribles, à la voix d'enfant, grondante et douce… Elle va, elle vient, elle ne tient pas en place, puis elle s'immobilise au point qu'on se demande si quelque ressort se serait brisé subitement en elle ; puis elle repart, s'excite, lance du feu par ses prunelles, pousse un cri de rage et bondit comme un fauve !... Mais on se précipite, on lui arrache sa victime qui n'en peut plus, mais on la sermonne, on l'oblige à demander pardon, ce qu'elle ne fait qu'à contre-cœur – naturellement – les yeux de côté, une goutte de mousse aux commissures, les dents serrées, les poings fermés… »

Polaire dans Thécla – Fête de Neuilly – Juillet 1905 (détail)       
Polaire – Représentation de ThéclaJuillet 1905

Cliché Studia-Lux. La Revue Théâtrale, Juillet 1905
(détail)